
Peux-tu nous parler un peu de ta jeunesse, ton adolescence et comment cette période de ta vie t’a influencé toi et ton travail?
Quand j’étais ado, j’étais pas trop dans la norme locale, surtout dans la région où j’ai grandi : le Jura, c’était plus rugby, foot, beuveries, mobylettes, docs coquées, jeans clair et bombers. Je te laisse imaginer la vie d’un tagger surexcité dans ce contexte, j’étais pas tellement à ma place. Les souvenirs forts sont liés au graffiti, c’était ma liberté d’ado et l’insouciance. J’ai passé énormément de temps à arpenter les voix ferrées, les friches et les recoins industriels pour trouver des murs à peindre, ces lieux, l’équipement, tous les détails de cette discipline et aussi beaucoup de sensations me laisse un souvenir vraiment fort. Je continue encore le graffiti, moins souvent, mais tout cet univers ne me quitte pas, aujourd’hui c’est un thème de travail, je décortique ma vision tout ça, c’est vraiment intéressant.
Pour le coté plus professionnel, c’est marrant mais quand j’y pense je décorais mes cassettes audio, je taggais mes vêtements et mes pompes, et toutes mes affaires… et bien c’est toujours la même chose aujourd’hui avec les pochettes de disques, les collections de fringues etc, c’est juste passé à un stade industriel.
Quel était ton premier job, qu’il soit en relation avec l’art ou non?
Premier job, j’avais 16 ans, je vendais des chichis-chauds sur la plage en vacances, mais c’était super ennuyeux, alors je criais des débilités et au bout d’un moment j’avais un vrai succès, j’avais déjà un sens perfectionné de la communication… Non, mais plus sérieusement, je me suis juré de ne jamais perdre un été, automatisé à l’usine, j’ai commencé très jeune à répondre à des commandes pour des fresques, pour des commerces, des clubs, et des événements, je me débrouillais pas mal.

Tu es originaire du Jura, mais tu t’es installé à Paris depuis plusieurs années. Comment la capitale influence t-elle ton travail? Que penses-tu de l’évolution de Paris ces dernières années en ce qui concerne le street art?
Je connais mal Paris, et c’est difficile de revendiquer un amour pour une ville dont on a peu de souvenirs, j’y vis depuis seulement 7 ans, mais je m’y suis fait de très bons amis et la richesse culturelle y est incroyable. Je pense que c’est ça aussi qui influence mon travail et mon univers ici ; les potes et les expériences.
En ce qui concerne le street art, je trouve que c’est un terme vraiment global pour décrire un phénomène, plutôt qu’une école ou un mouvement, tout le monde s’y est essayé avec son style personnel, c’était un peu comme une mode, comme il y a eu des modes de style dans le graffiti. Là, j’ai l’impression que ça n’interpelle plus trop la population, alors quelque chose de nouveaux va arriver dans les rues, le tagtonik peut-être ?
Tu partages depuis peu ton studio avec ton ami, l’artiste KRSN. Comment vous êtes vous connu et vous arrive t-il encore de travailler ensemble?
Krsn est dans mon top best friends, très très bien placé, et c’est aussi un artiste exceptionnel, toujours surprenant et sincère, je ne me lasse pas de voir ses images, il claque tout.
Ça fait quelques mois qu’on a pas travaillé ensemble, on a été très occupés chacun de notre côté, on va s’y remettre bientôt, j’ai hâte, c’est toujours hyper cool de composer ensemble, très instinctif, à chaque fois j’ai l’impression qu’on est télépathe, ça marche très bien.

Qu’est ce que tu écoutes dans ton atelier?
De la musique classique et je me ballade nu dans un peignoir de soie mauve. Je suis très très classe en musique.
La musique joue un rôle important dans ton travail. Est-ce que des artistes, albums ou chansons influencent certaines de tes oeuvres?
Il y a toujours eu de la musique dans ma vie, c’est un truc assez marrant, mais quand j’étais petit j’entendais par la fenêtre les gens qui chantaient dans le bureau de ma mère, elle est orthophoniste, j’habite à coté d’un conservatoire, j’entends aussi les gens chanter, et mon atelier est collé à une école de musique, et ça y va. Ensuite je ne sais pas si la musique influence mon travail, ça te donne peut-être une attitude, ça t’invite plus à te lâcher peut être, mais je ne crois pas que ça joue fondamentalement sur ton sens visuel.
Par contre ce sont les rencontres avec les artistes et leurs univers qui te font évoluer, c’est dans l’effort d’adaptation que tu découvres des pistes que tu n’aurais pas forcément envisagées, mais ce n’est pas propre à la musique en fait, tous les projets sont plus ou moins comme ça. Je pense que la question dans l’autre sens est beaucoup plus intéressante, sur l’importance et l’influence de l’image sur un musicien.

Pourrais-tu nous décrire ta journée typique quand tu travailles?
Je n’arrête jamais de travailler.
A part l’art/design/graphisme, quelles sont les autres choses que tu aimes faire quand il te reste du temps?
Profiter de ma magnifique famille.

Quel est le dernier livre que tu aies lu?
J’en lis plusieurs en même temps en général, il y avait une monographie de Charlotte Perriand et une autre de Tallon, deux trois répertoires de design et là je reprends un vieux Tschichold de ma bibliothèque qui m’avait énervé, pour vérifier que ma vision de la typo a évolué un minimum, et je viens de commencer un pavé sur la renaissance italienne dans le même but.
Quels sont les artistes français et internationaux qui t’inspirent actuellement?
Il y aura toujours les grands classiques du design et des arts graphiques, et sinon chez les artistes en ce moment je trouve le travail de Tobias Rehberger vraiment intéressant, même si je m’intéresse à sa production depuis longtemps, les suisses aussi font des choses cool, Fleury, Decrauzat et aussi une française Delphine Coindet qui fait vraiment de belles choses.

En ce qui concerne ton exposition, Hooked qui a lieu à Montreal, peux-tu nous en dire un peu plus sur le contenu, sur quoi tu t’es concentré et comment se fait-il que tu exposes au Canada? As-tu d’autres expositions ou projets de prévus de ce coté de l’Atlantique?
«Dans le merdier là-bas au fond, de l’autre coté des barrières, collé aux voies, après le parking, sous le pont, en contrebas de la route, dans les herbes au bout du sillage, entres les débris et les débarras, la tôle et les câbles, au beau milieu des ronces, le long du mur derrière, dans la couleur et l’action ; c’est là, à 14 ans, que je me suis accroché avec le graffiti.» Voilà c’est un peu la phrase clef de l’expo, je tente de symboliser le rapport entre danger et jeu dans un espace, en composant la pièce de couleurs vives et de formes ludiques et d’une installation dangereuse de barres de fer équipées de piques tranchants. C’est un peu comme un massif de ronces hyper fun. Les lieux dangereux sont un composant indéniable de la pratique du graffiti, ça fait partie du rituel, c’est même pour certains taggers ce qui les excite le plus. Voilà, et j’ai fait ça ici car la galerie s’appelle Off the hook, et que c’était une coïncidence inévitable, tout comme celle de s’appeler Akroe ; Hooked.
Sinon rien de prévu ici, mais une grande envie de revenir à Montréal, je me suis fait des amis.
Connaissais-tu déjà le Canada? À part l’exposition, qu’as-tu prévu de faire ici?
Non, je ne connaissais pas, c’est vraiment cool, je me suis vraiment amusé, les gens sont accueillants et font la fête, la fête la fête…

Avec ton travail pour clients et tes expositions, as-tu encore le temps de réaliser des oeuvres dans la rue?
Je suis organisé…
Qu’est ce qui te prend le plus de temps actuellement: création commerciale ou création artistique personnelle? Comment arrives-tu à faire la balance entre ces deux mondes? Penses-tu que l’un influence l’autre?
Le temps de création perso dépend encore pas mal des projets de commande, c’est grâce aussi à la commande que je soutiens mon activité d’artiste, ça représente pas mal d’efforts dans les deux sens, mais je crois bien m’en sortir avec cette organisation pour l’instant. Et puis oui c’est indéniable que mon travail de recherche a une influence sur mon travail de commande, ça s’affirme de plus en plus, et j’en suis très heureux, je pense que l’inverse est moins intéressant.
Pour célébrer la sortie du film des Simpsons, la magasin Colette a fait appel à quelques artistes, dont toi, pour customiser un toy représentant Bart. Quelle est ton opinion concernant l’univers des designer toys, qui est un mouvement qui grandi fortement en France depuis ces deux dernières années? Pourrais-tu envisager de sortir une création en 3D produite en vinyl?
Non, non non, les toys ça me casse la tête, j’adore l’idée de la création en série de choses cools et débiles, mais j’ai vraiment du mal avec les modèles, les formats et les matières qu’on voit pour l’instant. Là j’ai fait un Bart, parce qu’on me comparait à Bart quand j’était plus jeune, avec son attitude et sa pomme, je trouvait ça marrant. J’ai fait un truc dans l’esprit Simpson en cédant la totalité du prix de vente à la fondation Mc Do. Mais je ne pense pas en faire bien souvent, en général j’ai plutôt tendance à sur-dimensionner…

Tu travailles avec Sixpack France depuis les débuts de la marque. Peux-tu nous raconter l’origine de cette aventure et les projets que tu as avec eux (nouvelle mini-collection Akroe)?
Ce sont des amis pour la vie, il y aura toujours pleins de nouvelles mini-collection.
Quelles sont les marques de streetwear que tu préfères et celles qui t’influencent?
Sixpack, Rated Rookies et aussi Freshjive, tu vois pourquoi ?
T’intéresses-tu aux baskets? As-tu beaucoup de paires? Quels sont tes derniers achats en la matière et quels sont tes paires “bijoux”?
Franchement pas vraiment, mais je ne m’en moque pas du tout, j’aime bien voir passer les tendances, mais je ne suis pas un sur-excité du shopping et de la collectionnite. Pour mes habits en général je suis toujours attiré par les classiques, les beaux classiques bien faits. Pour les Shoes, j’ai toujours flashé sur les modèles simples, noir et blanc. J’ai plusieurs fois les même paires dans des états d’usure différents, je suis straight c’est pas possible.
Par contre je suis vraiment attentif à la couture et haute couture, surtout chez la femme évidemment, je suis toujours surpris pas la profusion, la créativité et l’aisance des créateurs. Évidemment je suis plus réceptif aux collections un peu graphiques, et puis j’ai toujours un regard admiratif sur la qualité de l’image des marques de luxe, sur le souci et l’intelligence du détail. Hyper classe.
Que peut-on attendre d’Akroe pour les prochains mois?
2 livres, une V2 du Design&Designer de Pyramyd et un dénommé Deadline chez lazydog, dont la deadline…
Et enfin une réactu de mon site web, je reçois pleins de mails de gens énervés que je ne le fasse pas, c’est fou.