Née en 1961 en Corée, Jungjin Lee est installée à New York et a réalisé plusieurs projets qui explorent le paysage et son histoire à base d’images panoramiques monochromes aux compositions parfaites et qui dégagent une ambiance de sérénité. Au début des années 1990, la photographe coréenne effectue plusieurs voyages à travers l’immensité de l’Amérique. Elle y a capture des images archaïques et primitives des déserts, des rochers, des broussailles et des cactus. Ses séries d’images fragmentaires et poétiques ont été décrites par le grand Robert Frank comme des «paysages sans la bête humaine». S’appuyant sur son héritage sud-coréen, l’artiste développe un langage pictural unique en son genre: Ocean, On Road, Pagodas, Things et Wind sont autant de séries dans lesquelles son intérêt fondamental pour la nature et la culture s’exprime dans un espace de résonance poétique. Dans son œuvre, Lee utilise sa compréhension profonde de la matérialité, la texture et l’artisanat. Elle utilise notamment un papier de riz traditionnel coréen sur lequel elle applique à la brosse en chambre noire une émulsion photo-sensible (Liquid Light). Les imprécisions qui en résultent dans le processus de développement et les imperfections dans la production vont à l’encontre de la supposée prétention à la vérité de la photographie. La présence physique des photos grand format de Jungjin Lee est immédiatement captivante. Elle utilise la photographie pour poursuivre une recherche intérieure quasi mystique, une méditation sur notre place dans le monde, sur notre rapport à la nature et aux objets. Qu’elle pose son regard sur le lointain ou le proche, Lee transcende la vision ordinaire et extrait du monde des “immémoriaux”. Ses photographies nous font entrevoir ce que pouvait être l’art à ses débuts : une médiation chamanique qui reliait l’homme à ce qui l’entourait. Sa série « Thing », publiée par les éditions de Séoul Datz Press, se compose d’œuvres capturant des objets quotidiens en gros plans intimes, qui sont ensuite imprimés en noir et blanc sur du papier coréen fabriqué à la main. Grâce à un processus de prise de vue méditatif, l’artiste distille l’essence du sujet, en éliminant tous les éléments étrangers. Les arrière-plans et les ombres sont éliminés, les formes sont simplifiées et les espaces vides sont remplis des émotions et des pensées intériorisées de l’artiste. En particulier, les espaces blancs qui entourent chaque objet sombre reflètent le concept de « vide » de la peinture et de la calligraphie orientales. Grâce à cet espace vide, les objets acquièrent une nouvelle signification. Lee s’interroge sur le rôle artistique qui consiste à explorer et à exprimer l’essence de l’existence par l’observation. Cette série occupe une place unique et distinctive dans l’œuvre de l’artiste, qui est généralement constituée de paysages. Jungjin Lee explique: « Pour moi, les photographies n’existent pas en tant que résultat, mais en tant qu’outil. Plutôt qu’une reproduction de la réalité ou une reconstruction de la beauté visuelle, elles servent de base à une contemplation fondamentale – des pensées qui ne peuvent être exprimées par des mots, des idées qui ne peuvent être affirmées ou soulignées d’une seule manière, des moments qui ne sont ni fluides ni immobiles, une interruption dans un espace infiniment ouvert, silencieux mais intense, des fragments surréalistes de la vie quotidienne, et des moyens d’expression métaphoriques – et c’est ainsi que les images ont été choisies. La série Thing, contrairement à mes travaux précédents, provient de quelque chose qui m’est plus proche, de quelque chose de familier. Cette familiarité naît de l’acte d’attente et d’une communication secrète entre moi et les objets. Cette familiarité, à son tour, devient étrangère à travers le vide de la pensée. Le vide, comme l’espace blanc dans une photographie, fait rêver les objets ». La vitalité de la série « Thing », qui est restée intacte pendant 20 ans, est transformée aujourd’hui en un objet élégant grâce au hanji (papier coréen fait à la main) et aux techniques traditionnelles de reliure à la main. Ce magnifique ouvrage de 66 pages, publié dans une édition limitée à 1500 exemplaires, est maintenant disponible sur la boutique en ligne des éditions Datz Press.